Comme si.
Je crois que lorsque l'on doit trop supporter, on se blinde. On supporte, on repousse ses limites jusqu'à l'extrême. Comme si les limites du supportable étaient beaucoup plus loin, comme si leur éloignement avait permis d'éviter la mort.
Comme si surtout elles avaient repoussé avec elles toutes les autres limites, comme si tout était décalé d'un, ou plutôt de mille crans.
L'insupportable. Survivre. Avec les cicatrices.
L'insupportable a cassé un truc. Pas la vie, peut-être une part d'humanité seulement. Celle de l'amour, je crois.
Fracture. Comme si l'amour devenait impossible.
Je me pose parfois la question, je constate autour de moi. Comme si je ne pouvais plus aimer vraiment.
Oui, j'ai déjà aimé. De la confusion entre l'amour et l'amitié à l'amour réel, j'ai déjà aimé.
Mais c'est au moment de passer avec l'autre que ça bloque. Comme si le truc cassé interdisait d'avoir des relations normales avec les autres.
Je dois être une pro' des amours cachées, des relations compliquées ou à distance. Parce qu'il n'y a que comme ça que je peux les vivre. Dans l'imaginaire.
Parce que la réalité les rend insupportables. Comme si un truc avait été déréglé, comme si la personne aimée ne pouvait l'être qu'à distance. Comme si elle représentait un danger sinon.
Plusieurs personnes m'ont déjà dit que mon charme était d'être inaccessible. Comme si je ne pouvais pas devenir accessible.
Comme si je ne pouvais pas aimer comme les couples qui se baladent partout. Comme si je ne pouvais pas vivre une vraie relation. Comme si le truc du plaisir avait été cassé. Comme si je pouvais avoir des rapports fusionnels avec une personne, rapports qui s'arrêteront juste avant la frontière de l'amour.
Comme si je ne pouvais pas me laisser aller. Pas l'envie. Ou pas le courage. Impossible.
Les limites repoussées, mais comme si elles avaient effacé le mot amour. Ou plutôt déformé pour lui donner des goûts de haine.
Voilà, comme si le mot amour avait tout simplement disparu de mon vocabulaire. Comme si je ne le comprenais plus. Ou plus qu'à distance.
Comme si l'amour s'éloignait à mesure que je grandis, aussi. Avec les illusions.
Devenir adulte, la démerde. Mais sans amour. Comme si...
Ou plutôt et si. Et si je ne pouvais jamais aimer.
Je ne veux pas qu'on m'aime.
Parce que j'ai peur.