Ceci n'est pas l'avant-noël.
Quand on se balade dans les rues, on croise des pères-noël en calèches tirées par des chevaux. Soit ils bloquent tout le monde, soit ils traversent la ville au galop en menaçant d'écraser tout ce qui se trouve sur leur passage. C'est dangereux, un père-noël. Et celui qui est devant l'épicerie arménienne -le même que dans le tabac 20 mètres plus loin-, il chante et il danse en faisant de la lumière, c'est flippant.
Quand on entre dans les maisons, on tombe sur des sapins de noël géants (vous savez, ceux qui piquent et qui perdent leurs aiguilles). Et quand les sapins décorés comme... des sapins de noël (-> très kitches, avec une surabondance de boules, de guirlandes et autres trucs qui pendouillent) décident de nous tomber dessus, on se fait à moitié assomer. "Urgmpfff gniiii ça pique".
C'est dangereux, un sapin de noël.
Et là, c'est le drame. Juste le temps de se jeter sur le dit sapin pour qu'il ne s'étale pas par terre, mais il a déjà perdu la moitié de ses épines et des machins qui pendouillent. "Hummmmfffff". <- Effort surhumain pour remettre la chose en place. Et laisser les monstres remettre les décos, c'est enccore plus moche qu'avant.
Quand on sort dans la rue la veille de noël, il y a des files ininterrompues de voitures dehors et des files ininterrompues de clients aux caisses des magasins -normalement déserts. Alors on n'achète rien, on fuit le monde, et on emmerde les voitures à vélo en les dépassant. Et finalement, on arrive avant elles. Et on s'échappe très loin de tout ce qui ressemble de près ou de loin à une boutique bondée.
Quand on sort dans la rue avant noël, on croise plein de gens avc des cadeaux plein les mains, et on se demande ce que, nous, on va avoir. Pour qui ils sont ? Et moi, pour qui j'existe?
Alors on pédale dans le froid -parce qu'il fait toujours froid, avant noël-, en se prenant tous les courants d'airs dans la gueule malgré le bge (bonnet-écharpe-gants), et on est aveuglé par les loupiotes qui brillents à tous les coins de rue.
C'est froid, noël.
Alors on fait tout ce qui ne ressemble pas à noël. On essaie d'oublier les cadeaux. On manifeste.
Ca, c'était le 18 décembre. La manif' à Dijon, le truc drôle. Toujours assez représentatif. Une majorité de profs en retraîte, deux représentants de SUD, un qui m'a tapé la discute en m'envoyant son drapeau-géant dans la gueule, et l'autre qui prenait son pote -et accessoirement moi- en photo. Cinq représentants de FO : trois qui tenaient un drapeau, et les deux autres avec un appareil à micro pour gueuler les slogans. "Retraît, retraît, du projet de Robiiiiien!!!". Grand moment de solitude, personne ne suivait. Il y avait 200 personnes à tout casser.
La manif' la plus courte de ma vie, une demie heure chrono, encore moins de chemin qu'à Auxerre. Et le traumatisme à vie : à trois mètre devant moi, Herr B., le retraîté depuis cet été dans son vieil et inséparable imper kaki qu'il doit traîner depuis.... trente ans, allez, je vais être gentille. Mais qu'est-ce qu'il foutait à une manif' en retraîte alors qu'il ne faisait jamais grève ???? Et surtout, à DIJON ??? Alors se planquer pendant tout la manif' pour qu'il ne me voie pas, finalement j'étais contente d'avoir le drapeau dans la gueule^^.
Oui, parce qu'il faut préciser que s'il m'avait vue, j'étais grillée à VIE ! A cause de mon abominable et ridicule bonnet rose à pompon (pas eu le choix de la couleur ^^). Et oui, j'avais froid aux oreilles, on fait comme on veut.
M'enfin, les manifs', c'est mon univers, je m'y retrouve. Et j'ai appris à manifester à vélo en mangeant un jambon-beurre acheté à l'arrache juste avant le départ. Mouarf'. I'm douée ^^.
Avant noël, on continue la vie. On fait les devoirs chiants et on comprend ce que veut dire l'expression s'arracher les cheveux au sens littéral : la linguistique. C'est des arbres, pire que des équations. Hiiii. Coment on fait pour décomposer des groupes prépositionnels qui n'ont pas de prépositions, des compléments circonstanciels qui sont en fait des subordonnées et des subordonnées qui servent de circonstanciels? Et là, on se demande si on va sortir vivant.
La réponse est non. Ou alors oui, mais avec moins de cheveux. Et en plus, mes arbres, ils ont une sale gueule.
Voilà, noël c'est une tristesse cachée sous des conneries. C'est le moment où j'ai précisément un devoir à faire sur l'étude des phénomènes de rejet (je dois déjà lire le cours, mouahaha ^^).
Noël, c'est l'impossible. Qui pensait qu'on pouvait faire une crise d'angoisse dans le lieu le plus zen qui soit (= natures et découvertes)? Et si, c'est possible..!
Noël, enfin, c'est chiant à écrire. C'est un des rares mots à avoir un "e" tréma, la lettre la plus casse-pieds à taper.
Noël, c'est la solitude du rejet, l'anniversaire maudit de la douleur. Alors on s'en éloigne, mais tout y ramène.
Enfin, un mot quand même, les sujets des devoirs d'allemand sont très dans le coup : après la mort du pape (^^) , l'euthanasie, puis la fin du monde et de l'univers. Et après, fuyons. La vie est belle. Loin du 24.
"Je suis le faucheur ivre de faucher"
qui
"S'assit dans cette campagne et ferma les yeux pour toujours"
Mais
"Malgré des nuits sans fin à regarder la haine,
Malgré tout je vous dit que cette vie fut belle."
Voilà, noël c'est ça. La honte de la solitude et de l'abandon, la honte d'être née dans cette famille. La culpabilité qui frappe les non coupables. L'entourage, un peu. Mais pas pareil. Toujours l'étrangère, celle qu'on a acceptée mais qui reste étrangère. Parce que pas "avec eux". Parce qu' impossible, parce que c'est mieux comme ça. Mais pourtant l'étrangère, toujours. De passage, avec eux mais pourtant très loin dans les regrets. Et les "j'aurais pu"... Et les yeux qui se remplissent de l'amres invisibles avalées par l'angoisse lancinante et la haine planqué au fond du coeur. Combat, de chaque instant, de chaque année. Avec un espoir, "l'an prochain tout ira bien". Mais rien ne va jamais mieux, d'année en année.
Combat inégal, avec armes inégales. Le silence contre les cris, les éclairs lancés dans les yeux contre les éclairs lancés par les mains. Les paroles contre la surdité. Et finalement, le rien. Et l'abandon.
Quelques mots, enfin, qui résument bien. Parce que je me rends compte que ça fait onze ans. :
"Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
[...]
Vous vous étiez servis simplement de vos armes
La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans
[...]
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en étaient différents
Tout avait la couleur uniforme du givre
A la fin février pour vos derniers moments
[...]
Un grand soleil d'hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le coeur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants"