les si de l'évidence.

Aujourd'hui, j'ai inventé des mots. Des mots qui existent déjà mais que je ne connais plus. Dont le sens m'échappe et dont j'oublie l'orthographe.
C'est con, d'inventer des mots qui existent déjà. Mais c'est comme ça.

Aujourd'hui, j'ai pensé. J'ai voulu sans vouloir, et finalement je n'ai rien voulu.
J'attends un mot, je crois. Mais je n'attends rien, parce que je n'espère plus. Un oui, ou un non. On est quel jour? Je ne sais pas. On est à la moitié du mois. A la moitié. La mauvaise moitié.

Le oui viendra. Le non aussi. Enfin je ne sais pas. Je ne sais toujours pas, et je m'en fiche. Parce qu'il n'y a plus de oui ou de non. Il y a des peut-être.

Un jour, j'ai dit "si seulement". Et on m'a répondu que ce si était un tellement grand si qu'il ne fallais pas y penser. Alors je n'ai plus pensé, j'ai essayé. Mais le si est resté, et il est revenu. Toujours.
Le si. Pas celui de la condition, celui de l'hypothèse. De la question. Mais sans les pensées le si n'a plus de sens. Juste le si, lancinant. Mais on ne sait plus pourquoi.
Juste la réponse. Il ne faut pas penser au si. Mais le si existe. Il existera toujours. Parce que le si, il peut tout renverser. Ou rien du tout. Je m'en fiche. C'est dans ma tête qu'il change tout, mais ma tête me fait mal. Ma tête, elle tape. Le si, il crie. Ma tête, elle hurle. Le si se balade, il se cogne, et c'est moi qui voudrais me cogner la tête pour que le si s'en aille. Ou prenne forme.

Alors j'invente des mots. Qui ont déjà un sens ou qui ne veulent rien dire. Et je réfléchis, et je me demande, et si. Et si ils existaient, qu'est-ce que ça changerait? Rien. On s'en fout des mots, tout le monde s'en fout.
J'invente. Je les pense, dans ma tête. Mais jsute dans ma tête, pour que personne ne les connaisse. Pour que ça reste mon langage.

Quand j'étais petite, je me parlais à l'envers. Tout le temps, sans difficulté. Ca n'étonnait personne, parce que personne ne savait. Pourtant, il paraît que c'est rare de savoir couramment parler à l'envers. Ej siasid tuot à srevne'l. Tiens, j'y arrive encore. Ej sias erocne relrap à srevne'l.
C'était ma solitude, et pourtant j'étais moins seule. Je me dis que bientôt, je le serai. Et je ne veux pas. Je ne veux pas de ce jour.
Je voudrais pouvoir sauter certaines dates et les rayer du calendrier. Les effacer, comme ça. Pour qu'elle disparaisse. Pour que le temps saute 24 heures d'un coup et nous propulse directement à l'après. Pour ne pas se bouffer les mains et avaler ses larmes, encore.

Je continue à inventer mes mots. Des mots qui font couac avec les si. Et pourtant, ils n'ont de sens qu'avec eux.
Aujourd'hui, j'invente des mots connus.
Aujourd'hui, j'ai inventé espoir. Mais je ne sais pas ce que ça veut dire.