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... Lénouche ...
1 juin 2007

sursis.

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[Toute ressemblance avec la réalité n'est asbolument pas un hasardeux hasard.]

Tout n'est qu'une question de plus ou de moins, je crois. De mesures, mais qui ne s'équivalent jamais. Toujours un au-dessus de l'autre, ou en dessous. Comme dans un équation. Où on se serait planté de signes. Où on aurait interverti les inférieurs et les supérieurs et où, finalement, ils ne signifieraient plus rien.

C'est bizarre... Il y a des mots que l'on n'ose pas prononcer soi-même, et que les autres osent encore moins dire. Des choses que l'on n'ose pas montrer. Ou des maladies de la honte, dans lesquelles on se refuse à être malade. Il y a des choses qui ne se font pas, qui ne doivent pas se voir. Et qui pourtant existent.
Ironiquement contradictoire.

Au début, j'ai entendu "crise d'adolescence précoce". A dix ans aussi, forcément, il fallait rajouter le mot "précoce" pour que la théorie soit crédible. Ensuite, c'est devenu "crise d'adolescence" tout court. A partir de douze ans, ça devenait carrément crédible. Alors l'ado en crise. L'ado capricieuse. L'ado chiante, pour résumer. Mais jamais l'ado qui souffre, non, jamais. Toujours l'ado en "crise".
Après, mon esprit scientifique a découvert qu'il y avait des degrés dans la crise. Des plus, et des moins, qui ajoutés au même chiffre permettaient de résoudre l'équation. Juste en ajoutant inférieur ou supérieur au résultat. La première TS a donc confirmé le diagnostique du psy et je suis devenue l'ado en "très forte crise" et en "recherche d'identité". Véridique. Entendu, mille et une fois. Et comme le "très forte" ne résolvait pas parfaitement l'équation "larmes+nuits blanches+je me laisse mourir+TS", on a rajouté l'adjectif "folle". Equation résolue, très bien. Une petite dose de "trop speed" pour confirmer le résultat, et dehors au bout de trois jours. Il a commencé là, mon sursis.
Jusqu'au moment où. Où le superbe diagnostique a cloché. Où on a prononcé du bout de la langue, avec moultes "peut-être" le mot "dépression". Ou le flinguage en direct. C'était tout de suite plus embêtant, l'ado "en crise" était malade dans leur jargon. Et l'étiquette a commencé à se mettre en place.

D'ailleurs, ce ne sont pas "eux" , les médecins, qui en ont parlé pour la première fois de cet état dépressif. Ca a fait tout drôle, forcément, à l'ado "en crise" de voir enfin quelqu'un mettre le mot juste. Avec seulement quelques années de retard. Mais il était lancé. Et il a été entendu.

L'ado en crise est différente des autres dans un hôpital. L'ado dépressive n'est même pas différente. Elle n'est rien, et le rien ne se différencie pas du reste parce que justement il n'existe pas.
Je pourrais mentionner quelques situations particulièrement ironiques et limite mélo-dramatiques. J'hésite dans les termes. Les anti-douleurs, contre les larmes de la souffrance intérieure. Ou alors le médecin qui prescrit des somnifères à l'ado qui veut mourir avant de la laisser rentrer chez elle. Symptomatique, mais anecdotique.
On peut baser sur l'incompréhension, pas bien grave. Mais il y a des choses qui restent gravées, beaucoup plus profondément.

La définition par excellence de l'ado catégorisée comme "dépressive" est qu'elle ne souffre pas. Elle emmerde juste le monde et fait perdre du temps. Accessoirement, dans les endroits qu'elle côtoie, elle risque de nuire à la réputation des dits-lieux. On ne doit donc surtout pas savoir qu'elle y est, ou savoir quel est son état.
L'ado dite dépressive n'a plus de sentiments. Et ne ressent plus rien. Et comme elle ne se défend pas, on peut tout faire.
Alors oui, l'ado "dépresive" est méchante, parce qu'elle développe de la rancoeur et le fait sentir. Mais il y a des choses que je n'oublierai pas.

Le malade, le "vrai", celui qui est malade physiquement, il est pris au sérieux. Il est au-dessus de l'échelle de valeur, et inutile de me contredire. Parce que même les plus utopistes savent que c'est vrai.
L'ado "dépessive" est bien en dessous. Alors on passe ses nerfs dessus. Et quand elle ne répond pas, on l'engueule. Elle pleure, et on en rajoute. Ca marche comme ça. A l'hôpital, du moins. Mais on ne mesure pas la souffrance avec un diagnostique. Parce qu'on ne compare pas les douleurs, on ne compare pas ce qui se met sur deux échelles différentes. Il n'y a pas de degrés de douleurs, juste des sensibilités différentes.

Le bricoleur maladroit qui se fait une petite entaille est tout de suite pris au sérieux anesthésié, recousu, et ramené chez lui sur un tapis rouge.
L'ado dépressive qui arrive avec les bras en sang est d'abord mise dans une salle pour qu'on ne la voie pas. Non, je n'exagère pas. Quand tous les patients sont passés, un médecin arrive et lui dit des trucs pas très sympas. Parce que c'est une fausse patiente, parce qu'elle lui fait perdre son temps, ou parce qu'elle a raccourci un peu trop sa pause café. Et quand il décide de poser des points de suture, quand il ne dit pas "c'est inutile de te soigner tu vas recommencer de toutes façons", le médecin devient brutal. Il ne parle pas. Il ne regarde pas. Ou alors il ronchonne, c'est pire. Parce qu'il ne s'adresse jamais directement à l'ado. Toujours à l'infirmière, en parlant de l'ado à la troisième personne. Comme si elle n'était plus une pesonne, justement.
Le médecin n'anesthésie jamais l'ado dépressive. Soit il ne propose pas, soit il dit "c'est inutile", soit il répond "non" quand on le lui demande. Oui, le médecin punit à sa manière, il dit "tu n'avais qu'à pas" ou alors "de toutes façons ça ne te fera pas mal". Et l'ado dépressive, elle retient ses larmes et elle n'ose pas se rebeller. Non, elle n'est pas en crise, juste en souffrance. Juste en souffrance quand on lui pose plus de quarante points de suture sans aucune anesthésie, quand on lui répète "de toutes façon tu n'as pas mal" ou bien "tu as l'habitude ce n'est pas grave" alors que n'importe quel étudiant en médecine sait très bien que personne ne peut supporter quarante points sans avoir mal. Personne. Et on ne s'habitue jamais. Pas plus l'ado dépressive que le bricoleur maladroit. Peut-être encore moins elle. Mais le médecin est tout puissant. Le diagnostique nouveau est posé : "tu n'es rien, tu nous emmerde, tu nous fais perdre notre temps".
Alors l'ado préfère se cacher, et se soigner elle-même des blessures trop profondes qui mettent des mois à cicatriser. Pour ne pas affronter les remarques et les regards des médecins.

Sursis. Encore une fois, et toujours.
Sursis entre la vie et la mort, et l'équation devient carrément bancale. Bien sûr, il ne faut surtout pas donner de raison. Les médecins n'aiment pas les raisons. Ou alors ils ne conçoivent que des problèmes de coeur et de petit copain qui nous a quitté. Pas les vraies raisons. Pas mes raisons.

Sursis, on apprend que la dépression est une donnée de l'équation. Et que le résultat est toujours, indéniablement, honte. Ou regard de travers, ou pire, regard qui s'appitoie. Refus de la pitié, juste envie d'être un être humain. Juste pas envie d'être celle qui. Mais marquée.
Par les cicatrices, et les questions.
Par les médicaments, dont on ose à peine mentionner le nom. Parce que toujours, "mais pourquoi?". Et toujours l'esquive de la réponse quand elle est donnée. On n'accuse pas la famille, c'est sacré la famille. Il suffit d'être gentil avec eux et tout s'arrangera. Il suffit de faire des efforts, mais on ne conçoit pas que la famille puisse être la cause.

Toutes ces données, et l'équation finale. Et le résultat. Enfin. On n'en sort pas, jamais.
On ne sort plus de l'étiquette quand elle est collée. On ne veut pas le montrer quand les autres l'ignorent. Alors on sourit, même si on a mal au fond de soi. Il y a des rémissions, et des rechutes. Mais on n'en sort pas.

Les médics dont on a par-dessus la tête. Mais qui aident à survivre. Comme une condamnation à vie, ou à vivre. On doit aller bien avec. Les médics de la honte, que l'on cache, comme la douleur. Qui sont mal vus, souvent. Qui droguent, ou font prendre pour des fous. Des pestiférés dont il faut s'éloigner. Et le refus au fond de soi qu'ils dictent la vie.
Et les périodes de mieux, où on y croit. En attendant la rechute, inévitable.

Non, on n'en sort pas. On a juste des sursis. On est juste en sursis de bonheur, ou de ce qui s'en approche. Et on bouffe les quelques trucs qui nous font sourire. Et on reste marqué par les séquelles.
On est heureux face à ce qui laisse le monde indifférent. La mousse, un lampadaire. Ou juste tout simplement l'odeur du métro qui dit qu'on sent et qu'on est vivant.
Un sursis permanent, le bonheur en sursis. Juste. Mais on ne guérit pas. On garde des traces, même en allant mieux. Mais on ne guérit pas, pas vraiment. Il y a toujours quelque chose qui vient rappeler que non, on ne s'en sort pas. Qu'on est juste en sursis.
Et on peut juste accumuler les sursis dans l'équation.

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S
Le pire c'est que j'en ai parlé , il y a 2 semùaines avec le mec à ma soeur et je lui ait dis que je connaissais des gens qui souffraient justement de ce que tu avais vécu (jte rassure je n'ai pas dit de noms d'adresse)<br /> et il m'as dit c'est triste pour ceux là mais mon grand pere est mort d'un cancer du poulmon et mon pere aussi "et alors".......en clair , tu peux crever on s'en fout..<br /> Foutu echelle de la souffrance, quoi ton mec t'as quitté , mais il y a des problèmes pires dans le monde les enfants soldats, la faim dans le monde.....A moins que tu sois dans le top ten de la souffrance, tu n'est qu'une chouineuse, et quand t'y est, ce n'est pas encore assez......je connais ça , (ah non moi c'était moins de souffrance que a mais plus que l'autre.....)<br /> <br /> Je sais que ces regards sont chiants, ces , elle souffre , la povrfe ou elle fait son sinoche, mais ne t'embete pas avec tous les abrutis, tu ne peux pas te baladeer avec une pancarte voila pourquoi je souffre et voila je souris... vis ta vie (Oh non, je suis en train de me métamorphoser en agenda de jeune fille fan de calogero...)sans te préoccuper des cretins aussi mechants soit t'il , mzais tu est une fille merveilleuse (si si je n'ai pas été payé pour dire ça et je ne demande rien en echange), tu est bien mieux que plein d'abruti,concentre toi sur tous ceux qui t'aiment pour ceux que tu est sans te juger....<br /> au fait ça n'as aucun rapport mais moi j'adore le fait que tu fume(dixit un abruti de l'echelle des souffrances) , tu embaume, c'est un peu de toi, de ce qui fait que tu est toi....
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