il pleut tout simplement il pleut...
C'est bien la pluie.
On pédale sous la pluie, ébloui par les gouttes qui tombent, par l'eau par terre qui se reflète sur les lampadaires, ébloui par les phares des voitures et par la chaussée qui glisse.
Oui, c'est bien. On pédale, comme un fou, sous la pluie. Et les larmes se confondent avec l'eau, on ne sait plus si ce sont les larmes qui éblouissent ou si c'est l'eau, on pleure, personne ne voit, il fait nuit, on grille ces putains de feux rouges, rien à foutre des klaxons, juste rouler vite, juste pleurer sous la pluie , pour ne plus savoir si on pleure.
Fatiguée. Parfois l'impression que le téléphone va sonner et que tout va changer. Mais je n'aime pas le téléphone. J'ai peur qu'il sonne, et il ne sonnera pas. Rien ne sonne, jamais. Jamais au bon moment.
Accablement.
Fatiguée. Peut-être plus beaucoup de force. Le manque de sommeil? La faim? J'en sais rien.
Ce soir j'étais chez S., on a fait des "crêpes". Enfin ça ressemblait pas à des crêpes, mais on s'est bien marrées quand même. Même qu'on a dû bouffer des bouts de coquille, et même qu'on a foutu de la pate à crêpe partout, et même que je me suis fait "kidnapper" ma poële.
Bref, on a fait des crêpes. Ou plutôt des grumeaux en forme de crêpes, qui n'étaient pas rondes, trop épaisses, et je crois mal cuites. Mais oui, c'était sympa.
C'était bon, je crois. Enfin, j'étais contente de les manger. C'était le premier repas de la journée. Et le seul.
Des fois j'ai l'impression de m'habituer à la faim. Ou la fin. Je ne sais plus. Au début, ça me filait la nausée, maintenant moins. Je ne veux plus manger. De toutes façons je dois maigrir.
Quand je me retrouve face à mon chez-moi le midi, je trouve pas la force de faire à manger. Le soir non plus. Mais c'est pas grave, je dois maigrir. Et pourtant je mange quand même, alors je grossis. Je n'ai pas le droit. Je dois maigrir, pour disparaître. Je dois disparaître, me fondre, juste disparaître.
J'ai ouvert le frigo tout à l'heure. J'ai du beurre. Un paquet de lardons et de crème fraiche à moitié vides, un paquet de gruyère entamé, un camembert miniature périmé, des sauces de chez Quick et des crèmes au chocolat.
Je repousse la visite à monoprix. Je repousse les courses. Pourtant, quand je passe devant, j'ai l'occasion. Mais je ne peux pas. Je n'ai pas le droit. Je dois disparaître.
Je déteste, et j'aime. Je ne comprends plus. Ca fait quoi de disparaître?
Y'a le chat. Qui pionce sur le tapis. Qui m'écrase quand je me couche. Oui, y'a le chat... Mais y'a rien d'autre.
Y'a le chat, j'peux pas le laisser. Y'a les larmes, j'en veux pas. Y'a le rien.
Je n'ai pas le droit de manger. Je dois disparaître, pour qu'on ne me voie plus. Pas pour mourir. Juste pour qu'on ne me voie plus. Qu'on ne me regarde plus.
J'en ai marre des "ça va?", parce que je mens. Oui ça va :-). Mais non ça va pas, pas du tout. Quinze jours, et le plongeon, toujours un peu plus bas. Y'a quoi après le fond? La terre? Et après la terre?
Y pleut toujours. C'est beau la pluie, la nuit. Ca cache le bruit des larmes que Maou vient lécher quand elles coulent trop.